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La voie de l’éternel débutant

Tu avais demandé à recevoir la série « Réinventer l'efficacité », dont voici le deuxième e-mail.

Si tu avais raté celui d'hier, tu peux encore le lire ici :
✉️ L'approche du Cro-Magnon forcené

Je te recommande de commencer par le lire en entier avant de te pencher sur l'e-mail d'aujourd'hui.

Aujourd’hui, je voudrais te parler du cas opposé : celui de l’éternel débutant :

La voie de l’éternel débutant : travailler à l’inspiration, ça ne fonctionne pas

Les entrepreneurs et les créateurs qui ne travaillent pas comme des Cro-Magnon forcenés tombent souvent dans l’excès inverse :

Ils travaillent uniquement quand ils en ont envie, quand ils se sentent inspirés, « au feeling »… Et, forcément, ils arrivent rarement à persévérer dans leurs projets.

Ils ont souvent de bonnes idées, beaucoup plus profondes et porteuses de sens que celles des Cro-Magnon forcenés parce qu’ils s’accordent davantage de temps pour eux, pour penser, pour prendre du recul sur les choses…

Mais comme ils travaillent juste à l’envie, ils ont tendance à interrompre chacun de leurs projets au moment exact où ils commencent à devenir monotones ou ennuyeux : pour eux, il est plus facile de repartir de zéro, sur une autre idée, complètement nouvelle et donc plus stimulante, que de persévérer.

C’est ainsi que peu à peu, leur carrière se met à ressembler à un cimetière de projets : ils ont 10, 20 ou 30 idées, sur lesquelles ils ont à peine commencé à travailler, mais qu’ils ont toutes abandonnées pour redémarrer à chaque fois sur une autre voie.

Ces créateurs et ces entrepreneurs sont donc des éternels débutants : ils n’arrivent que très rarement à continuer de travailler assez longtemps et avec assez de persévérance sur un même projet pour qu’il puisse donner des résultats concrets.

Ce que les éternels débutants ont du mal à réaliser, c’est que leur vrai problème n’est pas le manque de volonté ni le manque de force. Leur vrai problème, c’est qu’ils sont des chasseurs de stimulations (comme beaucoup d’artistes d’ailleurs).

Un chasseur de stimulations, c’est quelqu’un qui est capable de fournir énormément d’efforts lorsqu’il reçoit un shot de dopamine. C’est-à-dire, la plupart du temps, lorsqu’il découvre ou invente quelque chose de NOUVEAU.

Parce que la dopamine est libérée en réponse à des expériences nouvelles ou inattendues. Elle augmente la motivation et facilite l’effort.

Mais dès que l’expérience en question n’est plus tout à fait nouvelle, dès qu’une idée stimulante s’est transformée en un projet de travail ou une pratique habituelle, avec ses aspects monotones, les chasseurs de stimulations ont tendance à tout laisser tomber pour essayer de reproduire la sensation qu’ils avaient ressenti au tout début, au moment où ils avaient mis le doigt sur leur idée. Ils recommencent donc tout à zéro, dans une autre direction.

Ils pensent qu’ils manquent de volonté et de force. Mais en réalité, la plupart du temps, leur problème se situe à un tout autre niveau : inconsciemment, ils jugent la validité d’un projet aux stimulations qu’il leur procure.

Quand on trouve une nouvelle idée enthousiasmante, on libère une énorme dose de dopamine et on en ressent les effets (enthousiasme, motivation, énergie…). Mais dès que les choses commencent à devenir normales et habituelles, c’est-à-dire dès que cette idée s’est transformée en un projet au long cours, on ne recevra plus jamais le même niveau de stimulation qu’au début ; donc, on sera tenté d’abandonner parce que, inconsciemment, on sentira que ce projet ne « résonne plus ».

Alors qu’en réalité, on s’ennuyait juste…

Le problème des éternels débutants est leur rapport à la monotonie, à l’ennui et aux stimulations. La clé qui leur manque, c’est d’avoir des outils qui leur permettent d’accepter qu’ils ne se sentiront jamais autant stimulés au milieu d’un projet qu’à son tout début. Et de continuer quand même.

En d’autres termes, il leur faut apprendre à faire le deuil de la sensation qu’ils ont ressenti au tout début, quand ils ont eu ce déclic ou cette idée qui leur a semblé géniale. Parce que c’est la seule façon de pouvoir continuer à travailler de façon régulière et habituelle.

C’est difficile aujourd’hui de faire ce deuil, parce qu’on vit dans un contexte dans lequel tout est conçu pour nous rendre le plus accro possible aux stimulations intenses et immédiates et à la nouveauté.

Les réseaux sociaux nous fournissent des shots de dopamine sur demande, et on s’habitue tellement à une certaine dose de stimulation que, pour la plupart d’entre nous, il est de plus en plus difficile d’accepter la monotonie. On a besoin de nouveautés constantes et permanentes pour se sentir vivant, parce qu’on est devenu dépendant de doses extrêmement élevées.

C’est le même phénomène que celui de l’habituation chez les utilisateurs de drogues : il nous en faut toujours plus pour se sentir satisfait !

C’est la raison pour laquelle le fait de travailler à l’envie ou à l’inspiration ne PEUT PAS fonctionner sur la durée… surtout dans le contexte actuel.

Parce qu’il y aura toujours quelque chose d’extérieur à notre projet qui pourra nous fournir davantage de stimulation et de satisfaction immédiate. Pourtant, la partie la plus importante de nos projets, c’est précisément ce travail de fond, cette pratique habituelle au long cours, qui n’apportera JAMAIS autant de satisfaction immédiate que de scroller sur un réseau social ou d’inventer une toute nouvelle idée de business.

Il faut donc apprendre à en faire le deuil, parce que, face à nous, chaque jour de l’année, les meilleurs professionnels de la planète redoublent d’efforts pour améliorer les mécanismes qu’ils ont conçus pour nous rendre dépendants à un niveau de stimulation et de nouveauté encore jamais vu dans l’histoire humaine :

« Nous avons des milliers d’ingénieurs qui travaillent à rendre ces produits aussi addictifs que possible. »
– Tristan Harris, ancien éthicien de la conception chez Google.

« Les réseaux sociaux sont conçus pour exploiter notre vulnérabilité psychologique. Ils sont construits pour être addictifs. »
– Sean Parker, co-fondateur de Facebook.

« La dopamine est libérée, non seulement pour les choses qui nous font nous sentir bien, mais aussi pour les choses auxquelles nous prêtons attention. Si c’est nouveau et intéressant, nous allons obtenir un shot de dopamine. »
– Dr Robert Sapolsky, scientifique.

« Chaque notification est comme un petit paquet cadeau de dopamine pour le cerveau. »
– David Greenfield, spécialiste de l’addiction aux technologies.

« Le cerveau réagit à la nouveauté comme à une récompense et les réseaux sociaux sont une machine à nouveautés constantes. »
– Dr Laurie Santos, professeure de psychologie.

C’est parce qu’on est devenus accro à la nouveauté qu’on redémarre et redémarre encore et que, souvent, notre activité ressemble à un éternel nouveau départ, que l’on travaille comme un papillon, qui va de projet en projet, en abandonnant les derniers alors qu’ils étaient à peine commencés, à peine sortis de la phase « idée ».

Et les parties régulières et monotones de nos projets ne seront jamais celles que l’on abordera en priorité… alors que ce sont souvent les plus importantes.

Bref, ni les approches basées sur la motivation et la force, ni celles basées sur la recherche du plaisir immédiat ne sont idéales, surtout dans le contexte actuel.

Alors, comment faire ?

Dans l’e-mail que tu recevras demain, je partagerai avec toi la façon dont j’ai abordé ces problématiques au fil de ma carrière.

Il s'appelle :

« La course a la productivité a failli me détruire : mon histoire ».

À demain !