Aller au contenu

Comment gérer son propre déclin

Cet article a été publié précédemment sur mon ancien blog.

Le livre From strength to strength est probablement celui qui m’a le plus marqué cette année. Et je lis beaucoup (souvent plusieurs livres par semaine) : ça veut dire que pour moi, il est vraiment exceptionnel.

L’auteur s’adresse aux personnes qui ont passé la première partie de leur vie à viser l’excellence ou le succès, à innover ou à faire progresser leur secteur d’activité.

Bref, à ceux qui ont eu une belle première partie de carrière… mais qui se sentent décliner parce qu’ils prennent de l’âge.

Il cite le cas de Darwin, qui a laissé son nom dans l’histoire grâce à ses découvertes.... mais qui n’arrivait plus à découvrir de choses intéressantes passé un certain âge. Et qui, malgré son succès et la façon dont il a révolutionné la science, a vieilli et est mort dans le désespoir à cause de ça.

L’auteur montre que c’est un fait commun, parce que dans la deuxième partie d’une vie, il est beaucoup plus difficile d’innover et d’être aussi performant que lorsqu’on était un jeune battant…

Mais en réalité, à mesure que l'on prend de l’âge, même si un type d’intelligence décline (« l’intelligence fluide », celle qui nous a permis de réussir) un autre type se développe : celle que l’auteur appelle « l’intelligence cristallisée ».

Ce deuxième type d’intelligence ne vient qu’avec l’âge. Et aide à faire le tri dans une masse d’idées, de connaissances et de souvenirs, à leur donner un ordre et un sens et donc, à s’en servir pour enseigner.

Les fondateurs de start-ups sont jeunes, parce que leur métier repose sur l’intelligence fluide.

Les philosophes et les historiens sont souvent beaucoup plus âgés, parce que le leur repose sur l’intelligence cristallisée.

Ce qui est intéressant, c’est que cette deuxième intelligence fleurit au moment même où la première commence à faner.

Ce qui veut dire qu’au lieu de continuer à se pousser passé un certain âge, au lieu de vivre dans le déni, au lieu de refuser de constater le déclin inexorable de son intelligence fluide à mesure qu’on vieillit, on peut tout simplement choisir de changer de train au bon moment… Et reconsidérer sa carrière pour faire en sorte qu’elle mette désormais à profit l’intelligence cristallisée plutôt que l’intelligence fluide.

À partir du moment où on aura changé de train, on pourra laisser aux jeunes les projets qui reposent sur l’intelligence fluide.

Pour beaucoup de gens, ça consiste simplement à mettre son activité sur pause à partir d'un certain âge, pour se mettre à enseigner ou à écrire, par exemple. Et à prendre du recul sur son sujet d’excellence, pour être capable d’en parler avec une sagesse qu’ils ne pouvaient pas avoir lorsqu’ils étaient plus jeunes et qu’ils étaient pris dans le feu de l’action.

On peut penser, par exemple, à tous ces ex-militaires d’élite qui ont vieilli, qui ne sont plus aussi aptes physiquement… et qui passent la deuxième partie de leur vie à écrire des livres du type Les conseils de vie d’un ex-commando marine.

Ou bien aux copywriters de légende comme Gary Halbert (dont les textes publicitaires étaient les plus diffusés d’Amérique au pic de sa carrière), qui se sont reconvertis dans l’enseignement de leur art quand ils n’avaient plus la même combativité qu’à leurs débuts.

Ou encore aux anciens présidents qui écrivent maintenant des livres ou qui se font rémunérer comme conseillers ou orateurs, armés de leur expérience du terrain.

On peut penser aussi à Bach, cité dans le livre, dont le style de musique est devenu ringard quand le classique a remplacé le haut baroque et qui, au lieu de choisir le déni, a quitté l’arène pour créer L’art de la fugue afin de transmettre ce qu’il avait appris et inventé pendant sa carrière.

En d’autres mots, quand on vieillit, on a le choix :

Soit on vit dans le déni (et lorsque ce ne sera plus possible, on tombera de très haut), soit on se reconvertit à temps dans l’enseignement, en développant une vision de son sujet qui est empreinte d’une sagesse que ceux qui sont en train de se battre dans l’arène ne sont pas encore en mesure de développer (puisqu’ils ne peuvent pas prendre le recul nécessaire pour le faire ou qu’ils n’ont pas encore assez d’expérience).

Si tu as eu une première partie de carrière dans laquelle tu as eu de beaux succès, si tu as une longue expérience du terrain, si tu en as vu de toutes les couleurs, si tu es un vieux baroudeur de ton sujet d’excellence (que tu sois agent immobilier, conseiller financier, pâtisser ou pianiste, sportif ou voyageur…) et que tu sens qu’à mesure que les années passent, la force, l’énergie, la combativité ou la facilité à inventer que tu avais autrefois sont en train de s’estomper…

Alors, il est peut-être temps de devenir formateur.

C’est le moment idéal pour commencer à mettre à profit la richesse des expériences que tu as vécues dans la première partie de ta vie.

C’est probablement le moment aussi de commencer à prendre du recul sur ton sujet pour l’aborder maintenant avec une sagesse et un regard que ne peuvent pas avoir les professionnels plus jeunes, qui sont les battants d’aujourd’hui, et qui sont en train de prendre ta relève dans l’arène.

Au lieu de continuer à te positionner comme leur concurrent… tu peux décider de quitter le terrain et de leur laisser.

Pour ceux qui continueront à s’y battre sans toi, au lieu d’être un concurrent, tu deviendras un guide.

Comme un ancien footballeur qui démarre une carrière d'entraîneur quand il prend de l’âge : c’est une nouvelle vie qui peut commencer, une carrière tout aussi gratifiante (et qui s’annonce beaucoup plus sereine que la précédente)…

Bref, si tu commences à prendre de l’âge, que tu sens que tu ne peux plus vraiment faire face aux jeunes battants : change de train au lieu de te morfondre et de vivre dans le déni !

Si c’est un sujet qui t’intéresse et que tu lis l’anglais, le livre en question s’appelle From strength to strength.

Jean Rivière.